Vous êtes ici :

Le kiosque

Newsletter 4 – avril 2012 – Droit civil

La clause pénale fait de la résistance

La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a, le 22 mars 2011, jugé que « la caducité d’un acte n’affecte pas la clause pénale qui y est stipulée et qui doit précisément produire effet en cas de défaillance fautive de l’une des parties ».

La solution n’allait pas de soi.

La question posée est celle des conséquences de la disparition d’un acte juridique soit par nullité, soit par caducité.

Cet acte juridique peut très bien définir quelle est la conséquence tirée de sa disparition.

C’est le cas de la clause pénale venant définir la modalité de sanction applicable.

Et si l’acte disparaît, est-ce que la clause pénale qui en fait partie intégrante disparaît également ? Oui, dans la logique juridique de la disparition de l’acte. Non, si l’on prend en compte l’intention des parties qui a justement voulu qu’en cas de disparition de l’acte s’applique une clause pénale.

La réponse de la Cour de Cassation est claire : la clause pénale s’applique et a un caractère autonome.

Les commentateurs ont approuvé cette solution puisqu’elle permet justement d’assurer l’efficacité des obligations qui étaient nées auparavant du contrat.

Cette solution se comprend pour une disparition d’un acte dans l’avenir.

La question reste cependant posée pour une disparition d’un acte à effet rétroactif, ce qui sera le cas, par exemple, s’il y avait un vice du consentement.

Il est alors permis de penser que la solution sera différente.

L’agriculture a encore ses usages

Le monde agricole résiste quand il le veut bien. Les foirails à bestiaux continuent à voir les contrats se signer d’une poignée de main et en même temps les marchés au cadran donnent toute leur place à l’informatique.

La poignée de main, y compris téléphonique, existe au moins dans un domaine : les ventes d’aliments pour le bétail !

En matière agricole il existe un usage qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d’aliments pour le bétail.

La Cour de Cassation a donné raison à la Cour d’Appel de BOURGES (Cour de Cassation, Chambre Commerciale 22 mars 2011, n° 09-72.426) à propos de trois commandes contestées d’aliments pour le bétail.

Le Juge pouvait prendre en compte l’impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de la vente en raison de l’usage autorisant les parties à conclure verbalement et donner effet à des commandes pouvant être faites par téléphone, même dans le cas où la maison produisant les aliments pour le bétail n’avait pu obtenir un écrit daté et signé par le client.

Au-delà d’échapper aux règles traditionnelles du droit des preuves, il est cependant permis de conseiller à une société d’aliments pour le bétail de faire viser les commandes ou les relevés de factures.

La perte des intérêts entraine aussi celle des frais

Lorsqu’un découvert est accordé sur une période de plus de 3 mois, la banque doit obligatoirement mettre en œuvre une modalité de prêt avec offre préalable.

A défaut, la sanction est la perte des intérêts.

La Cour de Cassation a eu à répondre à la question de l’étendue de la sanction et en particulier au regard des frais ayant pu être décomptés sur le compte à découvert.

La réponse de la Cour de Cassation est brutale : le prêteur déchu de son droit aux intérêts en application des dispositions de l’article L 311-33 du Code de la Consommation, ne peut réclamer que le capital restant dû, à l’exclusion des frais de toutes natures.

1ère Chambre Civile Cour de Cassation 31 mars 2011, n° 09-69.963.

La prestation compensatoire a les honneurs du Conseil constitutionnel

Dans le cadre d’une QPC, le Conseil Constitutionnel a eu à se prononcer sur une modalité de versement de la prestation compensatoire. Comment le gardien de notre constitution et des institutions a eu vocation à s’intéresser au divorce et à la prestation compensatoire ?

A travers le mécanisme bien sûr de la question prioritaire de constitutionnalité. Un plaideur astucieux et obstiné s’est interrogé sur la constitutionnalité de l’article 274, alinéa 2 du Code Civil qui prévoit le versement d’une prestation compensatoire en capital par attribution d’un bien.

Il s’agit d’une hypothèse où le jugement opère cession forcée du bien en faveur du créancier de la prestation compensatoire.

La question soumise au Conseil Constitutionnel, et jugée comme sérieuse par la Cour de Cassation qui en a assuré la transmission, consistait à déterminer si cette cession forcée d’un élément de propriété était compatible avec l’article 17 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 laquelle précise que nul ne peut être privé de la propriété d’un bien sauf si « la nécessité publique, légalement constatée, l’exige… ».

Le cas le plus classique est celui de l’expropriation publique.

Le Conseil Constitutionnel a validé le paiement de la prestation compensatoire par cession forcée d’un élément du patrimoine en estimant que l’objectif poursuivi par le législateur d’assurer le versement de la prestation compensatoire et de garantir ainsi les intérêts du conjoint créancier constitue bien un motif d’intérêt général.

L’intérêt général n’est donc pas trouvé dans la situation individuelle à trancher mais dans l’idée de protection du conjoint en situation de besoin propre au Droit du divorce.

Le Conseil Constitutionnel a également estimé que l’exécution forcée sur les biens du débiteur était une modalité de paiement d’une obligation judiciairement constatée, le visa judiciaire constituant en lui-même une protection.

Le Conseil Constitutionnel a simplement mentionné une réserve dite de constitutionnalité qui doit être respectée par les tribunaux afin d’appliquer le texte.

Cette réserve est d’ailleurs conforme aux dispositions traditionnelles de Droit Civil : cette attribution forcée d’un bien à titre de prestation compensatoire ne peut être que subsidiaire par rapport à l’exécution de la prestation sous forme de versement d’une somme d’argent.

Le Juge du divorce appliquait cette règle. Le Droit est logique dans sa conciliation entre intérêt général et prise en compte des intérêts privés.

La Cour de Cassation a, dans un arrêt du 17 mai 2011, rappelé l’obligation pour le Juge de rechercher si un appel a été ou non formé dans le délai légal.

Cette obligation figure à l’article 125 du Code de Procédure Civile. Les Juges doivent relever d’office les fins de non-recevoir d’ordre public lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours.

C’est une nouvelle démonstration du fait que le procès n’est plus la chose des parties mais d’abord la chose du Juge.

Le fait de vérifier le respect des délais d’appel pourrait être laissé au travail de celui qui subit cet appel, la partie dite intimée.

Le Juge a non seulement la prérogative mais aussi l’obligation de procéder à cette vérification.

La preuve peut être recherchée chez des tiers

Devant les tribunaux gagne son procès non pas forcément celui qui a raison mais celui qui est en mesure de le prouver.

Le droit de la preuve est central.

Le travail à réaliser entre un avocat et son client consiste souvent à déterminer non seulement le nœud du litige, la solution à apporter mais aussi d’examiner quels sont les éléments de preuve qui vont être produits.

L’écrit est un mode de preuve privilégié, le témoignage est une modalité très usitée.

Le témoignage est matérialisé soit par des déclarations reçues par un Huissier de Justice, soit de manière beaucoup plus courante par des attestations rédigées suivant des formulaires précis et reprenant des mentions sacramentelles.

C’est l’objet de l’article 202 du Code de Procédure Civile.

Et lorsque le tiers n’est pas consentant ?

Il résulte de la combinaison des articles 10 du Code Civil et 145 du Code de Procédure Civile qu’un tiers peut être condamné à produire tous documents par lui détenus, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

La seule réserve est qu’aucun empêchement légitime ne s’oppose à cette production par le tiers détenteur.

Cela peut être la question du secret professionnel.

Un autre débat serait de déterminer quelle est la voie à utiliser pour obtenir cette condamnation ou cette injonction faite à un tiers.

Deux modalités sont ouvertes : la requête soit une modalité dite non contradictoire et le référé qui est contradictoire.

L’examen comparé de ces deux voies conduirait à de plus larges développements qui ne peuvent être présentés sous le présent cas pratique.

La sécurité sociale peut récupérer le capital décés

A la suite d’un accident, la règle est celle de la réparation dite intégrale mais pas plus.

Lorsqu’un conjoint survivant a reçu un capital-décès versé par une Caisse de Sécurité Sociale, il a reçu un capital représentatif d’un certain équivalent du montant des revenus du défunt.

La conséquence est qu’en application de l’article L 361-1 du Code de la Sécurité Sociale, la Caisse de Sécurité Sociale est donc subrogée dans les droits de la victime à due concurrence lorsqu’il s’agit de déterminer le montant du préjudice (Cour de Cassation 2ème Chambre Civile, 17 mars 2011, n° 10-19.718.

Le désistement d’une demande de protection met fin à l’instance devant le juge des tutelles

Une célèbre affaire concernant la deuxième fortune de FRANCE a passionné les débats mais fait aussi avancer la jurisprudence.

Que se passe t-il lorsque le Juge d’instance a été saisi d’une demande d’ouverture de tutelle ou plus généralement d’une mesure de protection judiciaire, qu’il y a désistement d’instance avant que la décision ait été prise ?

La question ne se pose que si le Parquet ne prend pas lui-même l’initiative d’une demande dans le même sens.

Le Juge d’instance de COURBEVOIE a eu la clairvoyance de ne pas répondre à cette question et soutenant qu’elle n’avait pas été à ce jour posée, a pu ainsi interroger la Cour de Cassation laquelle a effectivement considéré que le point n’avait pas été jugé et que son avis pouvait être régulièrement demandé.

Ce système d’avis très peu utilisé par la pratique permet d’avoir une solution juridique rapide.

Dans son avis du 20 juin 2011, la Cour de Cassation a jugé que dans une procédure aux fins d’ouverture d’une mesure de protection en cours d’instruction devant le Juge des Tutelles et dès lorsque aucune décision n’avait été encore prise, le désistement d’instance émanant du requérant met fin à l’instance en application de l’article 394 du Code de Procédure Civile.

L’intention vous oblige

Le langage courant et le langage judiciaire n’ont pas les mêmes conséquences.

Dans une discussion de « Café du Commerce », l’intention n’a pas de caractère engageant.

Elle est source de mêmes amusements.

Dans la vie des affaires, la lettre d’intention est un engagement en particulier dans le domaine des garanties données aux établissements de crédit.

Lorsque par exemple une société mère souscrit au profit d’un établissement de crédit qui a prêté de l’argent à ses filiales une lettre dite d’intention en vertu de laquelle elle s’engage à faire en sorte que la filiale respecte ses propres engagements envers l’établissement, la lettre n’est pas simplement de confort moral.

Si la société filiale n’est pas en mesure ultérieurement de tenir ses engagements, la société mère sera tenue à payer à la banque des dommages et intérêts équivalent à la somme prêtée.

Cela peut être aussi le cas dans le cadre d’engagements pris par des actionnaires au titre d’un pacte dit d’actionnaires.

La lettre d’intention qui a maintenant les honneurs du Code Civil aux articles 2287-1 et 20322 doit bien être pris pour ce qu’elle est : un engagement pour lequel la partie qui l’émet a une obligation de résultat.

Chambre Commerciale Cour de Cassation 17 mai 2011, n° 09-16.186.

Pas de préjudice moral en matière en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique

La Cour de Cassation maintient le principe : le trouble dans les conditions de vie directement causé par l’expropriation n’est indemnisable que lorsqu’il constitue un dommage matériel.

Ce n’est pas le cas d’un préjudice moral.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 16 mars 2011, n° 09-69.544.

Cette solution est traditionnelle dans notre Droit.

La Cour de Cassation, dans l’arrêt précité, a été amenée à la revoir au regard, d’une part, des dispositions constitutionnelles et, d’autre part, du contrôle dit de conventionalité (respect des dispositions européennes).

Les Hauts Magistrats ont indiqué que l’obligation d’indemniser en rapport avec la valeur des biens expropriés ne justifiait pas l’indemnisation d’un préjudice dit moral.

Expropriation pour cause d’utilité publique ne veut donc pas dire faute.

A défaut, objectivement, le contentieux ouvert aurait été sans limite.

Que veut dire la distraction des dépens ?

Les actes de procédure comprennent des termes que le citoyen peut prendre comme des talismans, des formules destinées à favoriser l’obscurité et, dans certains cas, même les professionnels peuvent en avoir oublié la signification.

Beaucoup d’assignations et de conclusions, notamment devant le Tribunal de Grande Instance ou la Cour d’Appel, comportent à la fin une mention : « condamner Monsieur X aux dépens qui seront recouvrés par Maître Z conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile ».

Quelquefois les confrères utilisant des grimoires encore plus anciens mentionnent qu’il y aura distraction des dépens.

Quelle en est la signification ?

L’article 699 du Code de Procédure Civile énonce : « les avocats et les avoués peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans en avoir reçu provisoire ».

Il s’agit banalement du recouvrement des frais.

Il existe deux solutions :

  • Si le jugement mentionne simplement la condamnation aux dépens d’une partie, c’est l’autre partie qui aura qualité pour demander en pratique à la partie défaillante le paiement des dépens ou frais. La partie mais non son Conseil ou alors le Conseil agissant pour le compte de la partie.
  • Si la décision prévoit l’application de l’article 699 du Code de Procédure Civile, le choix est alors ouvert.

L’Avocat peut exercer le recouvrement en son nom.

Mais la Cour de Cassation, 2ème Chambre Civile, du 31 mars 2011, n° 09-17.376 : laisse également la possibilité au bénéficiaire de la condamnation aux dépens, c’est-à-dire à la partie elle-même, le fait de recouvrer contre le débiteur les dépens.

Rompre des pourparlers peut engager sa responsabilité

Rompre un contrat engage la responsabilité. Chacun le sait.

Pendant longtemps, tout ce qui se situait avant contrat était considéré comme ne relevant pas d’un régime de responsabilité.

D’une certaine manière, il s’agissait de la liberté de négociation et l’objet juridique soumis à obligation était constitué par le seul contrat.

De plus en plus les obligations dites précontractuelles sont retenues par les tribunaux.

Et c’est assez logique : la signature d’un contrat n’est que le concrétisation d’opérations antérieures.

Ceci conduit par exemple à attacher aujourd’hui une grande importance aux obligations dites d’information ou de pré-information.

La Jurisprudence a étendu son contrôle aux pourparlers eux-mêmes.

Une partie n’a plus la possibilité de mettre fin à des pourparlers sans justificatif.

Le contrôle des comportements, des causes démarre donc dès le début de la négociation.

Chambre Commerciale Cour de Cassation 18 janvier 2011, n° 09-14617.

Engage sa responsabilité délictuelle (c’est logique puisque le contrat n’a pas encore été formé, il n’est pas possible de parler de responsabilité contractuelle), l’actionnaire qui laisse l’autre partie avec laquelle il négocie dans une incertitude prolongée avant de rompre les pourparlers et de céder ses actions à un tiers. Il doit par conséquent indemniser l’autre partie des frais causés par la négociation.

Se méfier des solutions provisoires

La formule est également valable en Droit des Assurances.

Il arrive assez fréquemment qu’un particulier, mais plus souvent un professionnel, victime de désordres soit après un incendie, un dégât des eaux ou un désordre de construction, soit amené à réaliser des bâtiments provisoires afin de poursuivre son activité.

Quel est le sort des dommages et intérêts correspondant aux sommes qui ont été engagées sur un aménagement provisoire ?

Il y a bien un lien de cause à effet entre cet aménagement provisoire et le fait à l’origine du sinistre.

En apparence, cela ne change rien.

Mais cela change tout quant à l’appréciation des conventions d’assurances.

En effet, le préjudice matériel relevant de la garantie obligatoire ne peut pas être plafonné.

Par contre, il peut y avoir un plafond de garantie conventionnelle pour un préjudice dit immatériel.

Il convient finalement de déterminer si le coût d’aménagement provisoire relève d’un préjudice matériel ou d’un préjudice dit immatériel.

La réponse de la Cour de Cassation est qu’il s’agit d’un préjudice matériel puisque « la construction de bâtiments provisoires ne pouvait être assimilée à des travaux de réparations réalisés sur l’ouvrage affecté des désordres lui-même ».

Cour de Cassation 3ème Chambre Civile, 13 janvier 2010, n° 08-13.562.